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Gagner un concours de nouvelles : trouvez une chute qui chute!

Un des meilleurs exercices pour développer sa plume et se faire connaître, c’est les concours de nouvelles! Oui mais la nouvelle, c’est spécial… On a beau avoir une idée, on est perdu. On ne sait pas par quoi commencer, on hésite et finalement… On ne se lance pas. Il m’a fallu du temps pour comprendre mais c’est pourtant bien simple. Une nouvelle, on la commence par la fin! C’est-à-dire sa chute. Pourquoi? Car notre destin est écrit. ^-^

Faith: destin en anglais car la chute d'une nouvelle c'est parfois l'aboutissement d'un destin
johnhain / Pixabay

Nous allons voir dans cet article les 6 types de chute et les 4 étapes qui vous aideront à trouver la vôtre. Et vous verrez par la suite, qu’une fois qu’on tient la fin, on a fait 90% du travail.

Le principe alchimique

Pourquoi est-on perdu face à l’écriture d’une nouvelle alors qu’on a parfois écrit dix romans? Car on est loin des histoires en trois actes auxquels le cinéma nous a habitué. Une nouvelle est un très court acte. Elle voit son action croître en intensité pour à la fin, en une action, voire une phrase, voire en un mot, nous retourner la situation. La courbe ci-dessous illustre le concept:

image

Enfin, c’est de l’approximatif, une nouvelle ce n’est pas une foreuse, mais j’avais la flemme de faire une courbe. ^-^ L’important est que la tension, l’action ou l’interrogation montent doucement et, qu’à la toute fin, quelque chose nous déstabilise pour nous faire tomber de notre siège. Une chute quoi!

Voici la définition de la nouvelle donnée par le magazine Techniques de l’ingénieur pour son concours:

« Une nouvelle est un récit court, centré sur un seul événement, mettant en scène des personnages peu nombreux. La fin – la chute – se doit d’être surprenante, inattendue, en quelques lignes, voire quelques mots.»

Ainsi, la chute doit être forte, percutante, tranchante comme un couperet, une fin qui en trois mot vous fait revenir sur tout ce que vous avez lu en le voyant sous un nouveau jour.

C’est pourquoi, il ne faut pas hésiter à lui consacrer du temps. Un texte court s’écrit en une soirée, le stress n’est pas là. Le plus long est de trouver la chute.

La recette alchimique

En fait, trouver une bonne chute, c’est comme trouver une puce dans les poils d’un bichon. Comment va-t-on faire? Il faut préparer le terrain puis passer les différentes chutes possibles au peigne fin. Nous allons voir comment faire en 4 étapes et analyser 6 types de chutes.

Mais avant toute chose, un petit aparté. Cette article (et les suivants) est là pour vous aider à construire votre nouvelle à partir d’une vague idée. Si vous n’avez pas d’idée du tout et que vous en cherchez une, consultez ces articles:

Si vous êtes là pour trouver votre chute, passons au cœur du schmilblick.

Étape 1: Y voir plus clair dans son cas

Une chute, c’est donc une idée surprenante. Elle peut venir avant toute chose, mais elle viendra bien plus facilement si vous connaissez votre univers et le thème de votre histoire:

Vous pouvez aussi vous interrogez vous sur le thème de votre histoire:

  • Sur ce qu’elle présente en terme de valeur universelle?
  • Sur ce qu’elle illustre sur la condition humaine?
  • Sur ce qu’elle fait naître en vous, à quoi elle fait écho?

Étape 2: Tester tous les types de chutes

Trouvez une idée se fait toujours sur la forme d’un entonnoir. On part du général vers le particulier. Plus on se rajoute des contraintes, plus la solution s’impose d’elle-même. Nous allons donc restreindre le champ des possibles en cherchant 6 chutes très spécifiques.

Toutefois, n’oubliez pas que nous sommes dans le «brainstorming», cela signifie qu’IL N’Y A PAS DE MAUVAISE IDÉES. Vous allez poser sur le papier en quelques mots, TOUTES les idées qui surgissent. N’allez surtout pas bridez Muse!

muse : la petite fée est contrite car on veut l'empêcher de trouver plein d'idées de chute pour une nouvelle ;)
© Yvan Postel

Donc trouvez moi une ou des chutes pour chacun des cas suivants:

1. La chute «Surprise!»:

On doit tomber de haut. C’est un retournement de situation imprévu. Mais cohérent avec l’univers. Imaginez un événement inattendu qui va bousculer le héros et le lecteur.

2. La chute «Révélation»:

L’histoire nous livre à la toute fin une révélation sur un des personnages ou sur l’univers. Demandez-vous:

  • Que cache votre héros ou que cache un des personnage?
  • Que pourrait cacher le monde dans lequel ils évoluent?

Soyez original 😉 Évitez de décrire une fille pâle et lascive qui a peur de la lumière pendant 3000 mots pour à la fin nous dire: « et Jacques comprit que Linda était… une vampire! » Lisez donc l’article très intéressant de Solaris à qui j’ai volé cet exemple.

la chute trop connue d'une nouvelle de vampire, la fille lascive et pâle qui est une vampire et qui ose nous dire: «Avouez que vous ne vous doutiez de rien amis lecteurs!»

3. La chute «Retour arrière»:

D’un coup on comprend tout ce qui s’est passé avant, on obtient enfin la clef qui explique le comportement du personnage ou l’absurdité apparente de l’univers, etc. C’est une étape au-dessus de la chute «Révélation», car là, pendant toute la nouvelle, on s’interroge sur quelque-chose, parfois à un niveau inconscient. Reprenons le mauvais exemple, pendant toute la nouvelle, on se demande «Mais pourquoi Linda a t-elle donc peur de la lumière?». Et à la fin, ah oui! Car c’est une vampire! Bon, OK, c’est facile. Mais si par exemple, pendant toute l’histoire, on se demande pourquoi elle a peur de la lumière mais qu’en fait, elle faisait semblant pour faire croire que… car en fait, elle… Là on se dit, ah mais c’est aussi pour ça quelle a fait ça… et ça…

Bref, ce genre de chute initie une série de questions auxquelles nous n’avions pas vraiment prêté attention lorsque nous étions pris dans l’histoire. Celles-ci surgissent et se répondent tout d’un coup en une fraction de seconde. Le cerveau se met à travailler à toute vitesse. C’est le propre de la chute «Retour arrière».

4. La chute «Ouverte sur l’extérieur»:

La chute nous interroge sur un aspect plus large, qui dépasse le cadre de l’histoire. On s’interroge sur le monde, sur notre vie, sur nos choix, sur la nature humaine, sur les vérités historiques, etc. C’est ce que j’ai fait dans ma nouvelle qui a gagné une croisière. Par exemple, si votre nouvelle était transposée dans un vieux mythe grec, quel serait sa morale? Essayez de traduire cela dans une chute.

5. La chute «Ironique»:

Une chute qui nous fait grincer des dents. Par exemple, je pourrais dans une nouvelle vous raconter comment Louis XVI a croupi des mois en prison, a mis des heures à traverser Paris, des dizaines de minutes à monter sur l’échafaud et à s’installer. Et la lame est tombée en trois secondes, lui emportant la tête grâce à cette forme en biseau qu’il avait lui-même dessinée! N’y aurait-il pas dans votre univers, quelque chose de profondément injuste, cynique, grinçant qui pourrait donner matière à une chute? Faites toutefois attention car les lecteurs n’aiment pas qu’on leur dise que la vie n’a pas de sens. Mais si c’est dans votre caractère, faites vous plaisir! 😉

6. La chute «Inéluctable»:

Revenons sur la tragédie grecque, par exemple, l’histoire d’Œdipe. L’oracle avait prédit qu’il tuerait son père et épouserait sa mère. Alors que le roi a tout fait pour éviter ce drame, toute la vie d’Œdipe est un immense engrenage qui l’a conduit de manière inéluctable vers ce sacrilège. Au delà de la surprise, on a ici la sensation d’une machinerie invisible qui nous a pris au piège. D’où l’importance de connaître son univers. N’y a-t-il pas quelque chose dans votre prémisse d’histoire qui pourrait guider les actions de votre héros sans que lui-même en ai conscience?

7. Attention à la «fausse chute»:

Comme il est dit dans l’article de Solaris précité, il vaut mieux éviter de finir une nouvelle par une pirouette: « et tout ceci n’était qu’un rêve! » ou « … de la réalité virtuelle! » Car alors, tout ce qui sera arrivé au héros n’aura aucun sens. Une histoire est une métaphore de la vie et le lecteur a besoin de sentir que la vie a un sens (après, vous avez le droit de penser et dire le contraire ;).

Étape 4: Fusion!

Le mieux, bien sûr est quand une chute remplit toutes les conditions! Ou au moins deux ou trois conditions. C’est le moment de laisser la part belle à Casse-Petons, alias, votre cerveau rationnel.

CassePetons, le démon chat, notre cerveau rationnel qui analyse nos histoires
© Yvan Postel

Alors, plutôt que de choisir la meilleure de ces 6 chutes, posez-vous la question suivante:

  • Est-ce que certaines chutes ne peuvent pas être enrichies remplir plusieurs conditions?
  • Est-ce que deux chutes existantes ne peuvent pas être fusionnées pour en faire une nouvelle, plus forte?

Étape 5: L’épreuve du feu

Normalement, à la fin de ce brainstorming, vous devez avoir deux ou trois idées de chutes. Comment savoir laquelle est la meilleure? C’est très simple: testez! Rien ne vaut une réaction de lecteur.

la petite alice est fascinée par son livre. Voyons si elle aimerait la chute de cette nouvelle ;)
© Yvan Postel

Résumez votre nouvelle en un petit paragraphe, avec la chute à la fin. Faites lire chacune à deux trois copains, ou mieux, lisez la en live et voyez laquelle fonctionne le mieux!

L’avantage du live c’est que vous pouvez voir l’effet de votre histoire sur le visage de votre testeur, et les visages ne mentent pas!

À vos plumes!

un stylo plume sur une feuille couverte d'écriture
422737 / Pixabay

L’exercice va être une redite des paragraphes précédents. Je vous demande cette semaine:

  1. Trouvez un concours dans les listes ci-dessous avec une deadline à un mois d’ici ou quinze jours minimum;
    • https://ecrivain-alchimiste.fr/salons-concours-at
    • http://www.epopees.fictives.fr/
  2. Cherchez trois chutes différentes;
  3. Racontez le concept à vos lecteurs ou vos proches;
  4. Voyez quelle chute mord le mieux;
  5. Écrivez la nouvelle et envoyez-la;
  6. Voilà!

Vous savez qu’il y a un gouffre entre la connaissance et la mise en pratique de cette connaissance? Mais là, c’est un trou noir! La théorie de trouver une bonne chute n’est rien, mais rien, si vous ne la testez pas encore et encore… La créativité n’est jamais que de la gym de cerveau 😉 Alors, entraînez-vous!

Écrivez-moi ici si vous voulez des conseils plus personnalisés ou que je traite une question précise dans un article!

Bonne chance à vous dans vos projets! ^-^

  • Excellent article ! Je me permets de donner un exemple pour chaque catégories :
    Surprise : “La créature” de J. Sternberg (dans “Contes glacés”), avec un événement soudain à la fin.
    Révélation : “Sentinelle” de F. Brown, qui joue sur son identité. Remarque : on peut la lire gratuitement ici : http://www.icem-freinet.org/outils/anl/textes/txt-Brown-sentinelle.html
    Retour en arrière : “Tempus edax rerum” de J. Lasseaux (dans “Ab origine fidelis”) où, à la fin, on réinterprète différemment les paroles du personnage prononcées au début. Remarque : on peut la lire gratuitement ici en cliquant sur “feuilleter” : https://www.amazon.fr/dp/B07JL1TC98 Plusieurs nouvelles du recueil fonctionnent sur ce modèle.
    Ouverte sur l’extérieur : “Drame de troll” de Terry Pratchett, dans “Nouvelles du Disque monde” (si je me souviens bien !)
    Ironique : “Le K” de D. Buzzati, dans le recueil du même nom.
    Inéluctable : “Aquila non muscas capit” de J. Lasseaux dans le recueil déjà cité.

    Encore bravo pour cette classification qui peut donner des idées.