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Écrire une nouvelle en 15 jours: s’immerger en eau trouble

Hello amis écrivains!

Voici la suite et fin de la série sur l’écriture d’une nouvelle en 15 jours. Nous allons nous intéresser à l’étape d’écriture proprement dite. comment jeter enfin le chat à l’eau quoi 😉

Le chat de gaston est vénère car on le jette à l'eau pour écrire une nouvelle
© Franquin

Vous souhaitez participer à des appels à textes ou des concours de nouvelles mais vous n’avez pas le temps? Vous voyez le concours au dernier moment? Vous n’avez pas d’idée? Kss… une nouvelle s’écrit en quinze jours, il suffit de laisser le doute derrière soi et d’appliquer une méthode sans se poser de questions. Si vous n’en avez pas, je vous propose celle que j’ai mise au point pendant mon challenge personnel: “10 nouvelles en un été”

Bonne lecture!

La recette alchimique

Nous avons vu précédemment comment acquérir de la matière pour ses personnages et son univers ainsi que l’étape d’écriture du plan de la nouvelle. Vous trouverez les premiers épisodes ici:

  1. Écrire une nouvelle en 15 jours: jetez le chat à l’eau!
  2. Écrire une nouvelle en 15 jours: mettre en forme le chaos dans un plan

Dans ce troisième épisode,nous allons voir comment nous immerger pour rédiger en un temps record. Car, oui, je l’admets, après tous ces longs préparatifs, il ne reste plus beaucoup de temps. Moins d’une semaine.

J’utiliserai comme exemple deux nouvelles: celle du concours Georges Sand écrite sans douleur, et celle de l’appel à textes « Réalités » de la maison d’édition Realities Inc. Celle-là, j’en ai accouché dans la douleur (20Kmots quasiment un roman). Mais chacune m’a pris 15 jours.

Etape 6 : La transe de l’écriture, 5 jours

Sous-titre: Immersion totale, noyade recommandée

Nouvelle ou roman, je crois que pour écrire une histoire qui transmet quelque chose, il faut certes bien préparer en amont, bien analyser en aval, bien s’exercer, mais il faut surtout savoir libre court à son esprit créatif. Cela n’est possible que si on se met en transe et qu’on n’en sort pas.

un yogi de lumière cosmique se concentre assis ne tailleurs pour s'immerger dansl'écriture de sa nouvelle
3333873 / Pixabay

De plus, le King estime qu’il ne faut pas plus de trois mois pour pondre un roman fleuve, si le temps s’étire, les personnages s’affadissent dans notre esprit. Or, tout est affaire de schizophrénie bien gérée. Donc, lorsque vous commencez à écrire une histoire, essayez de ne faire presque que ça.

Technique 1: Se plonger la tête dans l’autre monde

Le but ultime de la phase d’écriture de la nouvelle, c’est l’immersion. Ainsi, je vous conseille, vous ordonne, pendant l’écriture, de minimiser les sollicitations extérieures. Coupez toutes les notifications et isolez-vous au maximum et… pas de Facebook!!! Une technique est de poster: « Bonjour Facebook, au revoir Facebook, ce soir j’écris» . Du coup, même si vous craquez, avoir annoncé que vous ne viendrez pas sur Facebook vous oblige à ne rien liker, à ne rien commenter. Donc, obligé de retourner taffer. Cela s’appelle du hacking de cerveau.

Un autre hack est de reprendre les musiques utilisée pendant la phase du création de l’histoire. Activez la fonction replay. Vous croyez que vous allez vous lasser? Pas moi! Une musique répétitive me met en transe.  Bon, j’avoue être une fana de la transe. Quand la deadline est très courte, j’utilise même l’auto-hypnose! Mais cela, je n’ai pas le droit de vous le conseiller et je l’utilise avec modération et prudence. En effet, j’ai eu des badtrips avec des hypnoses mal faites.

Technique 2: Prendre un tuba pour ne pas ressortir la tête de l’eau

Je reviens sur ce que je disais dans le premier article de cette saga sur les nouvelles. Je blinde mes fiches univers et personnages en amont avec des renvois faciles et des images. En effet, lorsqu’on commence une recherche Internet sur un point très précis, souvent, on relève le nez une demi heure plus tard et on a perdu le « move », le « flot », le « feeling » qui nous portait avant qu’on ne se demande : « au fait, comment s’appellent les guerriers de l’inde antique ? ». Donc, mieux vaut avoir bien préparé son univers en amont et pouvoir retrouver chaque info en deux clics, pas plus.

Si c’est plus long, laissez tomber. Ecrivez juste « Chaboula » au lieu de « Kshatriya » dans le texte. Vous y reviendrez en phase de correction. Et tant pis, si toute votre vie, en société, vous appellerez les guerriers indiens des Chaboulas. Que vaut de passer pour un imbécile chez belle-maman si vous avez vu émerger chez vos persos des comportements improbables mais tellement réalistes pendant que vous écriviez?

Une astuce pour se replonger plus vite dans l’univers lorsque on doit travailler de façon entrecoupée est de laisser sa dernière phrase en suspens et surtout de ne pas la finir. Puis notez la musique que vous écoutiez et remettez-la lorsque vous recommencerez à travailler.

Exemple sur mes nouvelles:

Avec ma nouvelle de dark fantasy de 30 000 mots à écrire en une semaine, j’avais intérêt de me mettre en transe magique. Donc, j’ai trouvé une ou deux musiques qui convenaient à la situation et j’ai rien lâché. Le matin dans le train, le midi à la pause repas, le soir dès que j’arrivais à la maison. En mode sociopathe, fuck the real world et les gens autour de moi.

Résultat? La première partie de l’histoire a suivi le plan, la seconde lui est restée fidèle dans l’esprit mais la troisième partie… Un sale petit démon a tout envoyé balader! Je parle au sens propre, le démon s’appelle Damsaca, il ressemble un peu à Calcifer dans le Château Ambulant, mais en plus tordu. Bref, j’étais là tranquillement, les deux mains sur le clavier à regarder mes personnages principaux faire leur vie, se comportant plus ou moins comme je m’y attendais. Je m’apprêtais à sortir mon plot device de ma manche (i.e. l’attaque des méchants), quand un sale petit démon a fait une chose inattendue, qui a acculé mon héros. Et là… j’étais mal. L’armée arrivait et Damsaca avait semé le bordel. En fait, ce personnage était mon antagoniste même si je ne l’avais pas reconnu! Cependant, même si j’avais eu plus de temps, je ne crois pas que j’aurais la présence d’esprit, de faire la fiche de cette petite raclure de Damsaca. Donc… Je suis contente d’avoir juste laissé mes personnages grandir au fil des mots.

J’appelle ce genre d’accidents des «propriétés émergentes». Avant d’empêcher un de vos personnages de faire quelque chose qui ne cadre pas avec votre plan, demandez-vous: est-ce que je connaissais vraiment ce personnage avant d’écrire le plan? Souvent la réponse est non. On ne connais jamais autant un personnage que lorsqu’il a pris possession d’un bout de notre cerveau pendant la phase d’écriture.

Le retour du sioux: Adapter son style à la taille imposée

GraphicMama-team / Pixabay
GraphicMama-team / Pixabay

Dans la lignée de l’article:

Je vous conseillerai d’être sioux même dans le style que vous choisissez! J’ai gagné le concours Nouvelles Avancées sur le style, très fleuri, et non pas sur la chute.

Astuce 1: Être radin

Cela semble évident, dans un long texte, on peut plus facilement se permettre un style fleuri que sur un court où il nous faudra être terriblement économe!

Sur 3000 signes, le moindre tic de style peut vous coûter une transition qui serait clef pour la compréhension ou la fluidité. Préférez le présent, le style direct, trouvez les bons mots pour éviter adverbes et adjectifs inutiles… J’ai plombé une micronouvelle car elle démarrait au passé, et comme la moitié de l’histoire était une réminiscence, la moitié du texte était au plus que parfait! la moitié des mots était un “avait” ou un “était”…

Astuce 2: Monter d’un cran l’échelle des narrations

Connaissez vous l’échelle des narrations? (j’en ferais un article) En gros, il y a différentes façon d’écrire une scène. Plus on va vers le ressenti, plus la prose est longue et plus le temps ralenti. Les auteurs utilisent ce curseur pour changer le rythme d’une histoire mais c’est très utile pour raccourcir ou allonger sa prose. Cela peut se simplifier en «Montrer versus Raconter». En roman, un précepte bien connu est «Show, don’t tell»: «Montre, ne raconte pas!».  Quand on «raconte» une histoire, on donne peu de détails, on survole l’action un peu comme dans un résumé ou un conte de fée. Cela a le défaut de moins bien accrocher le lecteur car cela casse l’immersion dans l’univers et empêche de s’incarner dans la peau du personnage. Mais quand on a pas beaucoup de signes, cela peut nous sauver la vie de raconter. Cela convient à certains type d’histoire et pas à d’autre, à certains auteurs et pas à d’autres. Si vous être un accroc au « montré » (action et ressenti), en 3000 signes, vous pourrez à peine montrer une ou deux scènes. Choisissez-les bien!

Exemple sur mes nouvelles:

Un bon compromis entre le «montré» et le «raconté» est d’utiliser la réminiscence. Lorsque quelqu’un se rappelle un événement passé, il s’en souvient dans les grandes lignes, pas besoin ici de rentrer dans le détail du ressenti. Mais soyez prudent avec le style! Je voudrais vous parler d’une erreur commise sur le concours aufeminin. Au final, ma nouvelle Rendez vous dans l’ombre  a fait partie des 27 short listées sur 800 mais elle n’est pas arrivée en finale.

Logo de snapchat qui illustre mon texte qui s'est qualifié dans un concours de nouvelles réputé
Lire la nouvelle

À ce stade, je pouvais demander le retour du jury. On m’a indiqué que certains membres l’avaient évoquée pour monter sur le podium mais certains ont argué qu’elle manquait de détails. Pas étonnant! La moitié du texte de 3000 signes est une réminiscence et j’ai commencé la narration au passé, donc la moitié du texte est… Au plus que parfait ! oO Un mot sur quatre est un « avait » ou un « était ». J’aurai pu gagner 500 signes et alléger le style en partant au présent. Et surement éviter une ou deux erreurs de concordance des temps…

Bref, adaptez votre style en fonction de la taille.

Astuce 3: Soyez efficace

Voici quelques astuces pour éviter de traîner à la ligne dans une nouvelle:

  • Évitez les dialogues qui ne font pas progresser l’action. Argh ! les joutes verbales, l’ennemi juré des nouvelles courtes !
  • Appliquez l’adage: «commencer tard, finir tôt» pour chaque scène.

Pour cela, demandez-vous quel est le noyau de la scène, ce qui est vraiment important pour faire progresser l’action. Si c’est: «l’héroïne jette son verre au visage du héros dans le bar», ne commencez pas la scène au moment ou ils entrent, commandent les boissons et tutti quanti. Attaquez direct quand ils sont attablés avec leurs verres. Le chemin du contenu du verre jusqu’au visage du héros sera plus court. ^-^

Étape 6 : la correction

Sous-titre: Repêcher le chat

La correction est le gros morceau qu’on oublie toujours. Et d’expérience, plus le texte est contraint et court, plus la correction sera longue.

Boulot 1: tailler dans le gras

OpenClipart-Vectors

En général, mes marathons nouvelles finissent en marathon coupe franche. Notamment, la nouvelle pour l’appel à texte T&tra l’année dernière avait été un sprint digne des JO ! Derniers 1000 mots supprimés en 10 minutes oO pour un envoi à 23h50 et des brouettes.

Lorsque la quantité à couper est astronomique, j’applique la règle du «un sur deux»:

  • Si j’ai deux adjectifs dans la phrase, j’en supprime un.
  • Si j’ai deux périphrases pour exprimer la même idée, j’en supprime une.
  • Deux actions qui se ressemblent, j’en supprime une (avec tous les combats que j’écris, cela m’arrive souvent ;).
  • Deux lignes de dialogues pour arriver au moment qui fait avancer l’action, j’en supprime une.

Boulot 2: voguer sur les flots

stux / Pixabay

Supprimer telle périphrase, telle mini action, tel mot, casse souvent le flot. Le flot ce qui fait que le texte « sonne ». Ainsi parfois, couper casse la compréhension ou la lisibilité. Il est donc nécessaire de se relire après un marathon coupe franche.

Boulot 3. l’orthographe quand même

Bien sûr, au passage, je corrige les fautes, mais ce n’est pas le plus complexe. J’essaie d’imprimer le texte dans une police autre que celle avec laquelle je l’ai écrit. Puis je m’y mets à tête reposée, en essayant d’avoir un petit temps de pause. Bien sûr, le mieux est d’avoir un avis extérieur et une vraie bêta lecture, mais ce n’est pas toujours possible vu les délais serrés.

Une dernière petite astuce peut être de commencer votre texte par la fin.  Ainsi, vous avez moins de chances de vous laisser emporter par l’histoire. Bon, je n’ai jamais le temps de faire cette étape, mais je sais qu’elle est utile.

Sur un texte écrit en une semaine, je pense d’expérience qu’il faut bien se garder une journée pour les coupes et corrections. Bref, minimum 1/7ème du temps d’écriture (et je parle du dimanche sur une semaine travaillée, donc au final, c’est plus un ratio 1/5). Bien sûr, plus vous aurez à couper dans le gras de votre nouvelle, plus ce temps de correction sera long.

Etape 7 : Trouver le nom de la nouvelle et rédiger le mail

 Sous-titre: Soigner ses griffures (les chats n’aiment pas qu’on les jettent à l’eau!)

Un titre? Mince, J’avais oublié ! oO

Je trouve que les meilleurs titre viennent à la fin de l’histoire car, comme dirait Pixar, c’est là qu’on peut enfin identifier le thème. Mais certains écrivains le trouvent dès le début et cela les guide pour l’écriture. Chacun son ressenti!

Ah! Et n’oubliez pas d’inclure dans votre planning le temps d’envoi du mail. Je me retrouve souvent à 23h57 à rédiger une biographie car je n’avais pas vu que l’histoire devait être accompagnée de blabla et rendue uniquement en times news roman interligne 1,5 😉

À vos plumes!

un stylo plume sur une feuille couverte d'écriture
422737 / Pixabay

Bien sûr, la conclusion de cette série d’articles est que vous écriviez une nouvelle. Si vous n’avez que peu de temps, je vous demanderai de:

  1. Trouver un concours de nouvelles courtes sur la page https://ecrivain-alchimiste.fr/salons-concours-at
  2. De choisir une micronouvelle puis de la rédiger pas forcément avec la préparation des personnages et tutti quanti!
  3. Enfin, vous avez cinq fois moins de temps pour la corriger et la faire tenir dans les clous que vous n’en n’avez mis pour l’écrire.
  4. Bon courage! Gniark gniark gniark!

Le but est d’apprendre à épurer votre style et à couper vite fait, bien fait.

Voilà! C’est la fin de la saga sur les plans. Je vous souhaite plein de réussite et d’immersion dans vos nouvelles!

Écrivez-moi ici si vous voulez des conseils plus personnalisés ou que je traite une question précise dans un article. Et pour en savoir plus sur la plume et le retravail d’une histoire, n’hésitez pas à télécharger mon livre: «Comment polir son roman pour en faire un diamant».

Bonne chance à vous dans vos projets! ^-^