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Comment entrer dans le cœur du héros? Un plan ouvert et une cage sans barreau…

Hello! ^-^

Aujourd’hui, j’aimerais vous livrer une théorie, une méthode, que je teste depuis quelques mois déjà: la technique du «plan ouvert» qui permet de ne pas figer les réactions de nos personnages et d’apporter plus de réalisme dans nos histoires. Cet article est la suite et fin de la saga sur les plans! Voici les deux premiers épisodes si vous les avez ratés:

  1. Comment ne pas se faire bloquer par son plan
  2. Quel plan choisir pour votre histoire? La méthode de la cage aux lions

Alors ce plan ouvert? Parfois, malgré qu’on ait travaillé nos personnages et notre univers en amont, on a le sentiment que notre plan ne rend pas justice à nos personnages, que leurs réactions ne sonnent pas vrai ou que tout cela manque de surprises.  Dans ce cas là, on peut aisément paniquer ou se décourager. Et pourtant, a-t-on vraiment besoin d’un véritable plan?

En fait, j’ai découvert que dans certaines situations, vos fiches personnage et ce que vous avez glané sur leurs buts et challenges peuvent vous suffire à établir une trame qui vous guidera sans vous enfermer et surtout sans enfermer vos personnages dans une cage! C’est cela le plus important pour apporter de la force à votre histoire.

deux mannequins de carbone sont enfermés dans une cage étroite
bykst / Pixabay

Le principe alchimique

Je vous ai déjà parlé de la difficulté de se glisser dans la peau d’un personnage? Je crois fermement que ce n’est pas quelque chose que l’on fait avec son cerveau gauche, i.e. la logique. Mais un processus à la limite de la schizophrénie et basé sur le ressenti. Que se passe-t-il souvent à l’étape du plan? On pense: «ce mec a été battu par ses parents dans son enfance donc dans cette situation de stress il doit logiquement réagir comme ceci…». Cela est autrement différent que d’être, en pleine nuit, submergé par ces souvenirs qu’on a gratté sur trois pages, se rappeler de la peur des coups et de l’humiliation, de cette colère refoulée par la peur et, par dessus tout, de ce sentiment d’insécurité, savoir que personne, nulle part, ne nous protègera jamais. Alors, que fera votre perso quand le stress montera? On verra quand on y sera, en pleine nuit et immergé dans ses souvenir et dans l’action, en un mot: quand on sera en «transe».

Le plan ouvert et la cage sans barreau

Pour certains types d’histoires, comme les scénarios catastrophes et les histoires de zombies, la seule chose qui importe au lecteur c’est: «va-t-il le faire?». Les choix à prendre sont si moraux, si difficiles, si personnels, qu’on ne peut pas savoir avant d’entrer vraiment dans le cerveau du héros. Dans ce type d’histoire, si votre personnage se heurte à des barreaux, il ne faut pas que ce soit ceux d’un plan modelé sur des rebondissements genre: «et là, ce serait cool qu’il fasse exploser la voiture». Je crois dur comme fer que la seule cage que doit rencontrer votre personnage c’est le carcan qu’il a mis sur ses sentiments, sur son sens du devoir, une cage bâtie sur ses peurs et ses ambitions.

La fenêtre sur le cœur du héros et sa croissance

bykst / Pixabay

Comme j’en parlais plus tôt dans les plans micro structurés, ce qui va nous en apprendre beaucoup sur les événements à placer dans l’histoire c’est la croissance psychologique du héros. Je vous demande ici d’accepter un parti prix, un principe: «ce qui emmène le lecteur dans un autre monde, c’est de suivre un être qui se débat dans ses conflits intérieurs et qui grandit». Son cœur et son cerveau sont une fenêtre ouverte sur la terre de Fantasia. Ce qui va transporter le lecteur très loin et lui faire oublier le monde réel c’est de le faire s’interroger:

  • «Va-t-il vraiment le faire?»
  • «Ah! Alors c’est pour cela qu’il réagissait toujours comme cela?»
  • «Mais il se trompe! Comment faire pour qu’il comprenne qu’il se trompe?»

La recette alchimique

OpenClipart-Vectors / Pixabay

1. La base de la recette alchimique reste encore et toujours la fiche personnage très détaillée (article à venir). Mais où il est crucial de se poser les questions liées:

  • Au conflit intérieur du personnage: ce qu’il veut du fond du cœur versus ce dont il a peur.
  • En quoi il se trompe dans sa façon de voir le monde et en quoi cela l’empêche d’avancer dans la vie
  • Quel est son plus grand besoin et comment il réagit quand celui-ci est frustré.

2. A partir de tout cela, on a une meilleure vision de qui est notre personnage et de ce dont il a besoin pour évoluer et réaliser son rêve ou tout simplement pour atteindre le bonheur. Cela nous permet ensuite de déterminer une liste de situations et de choix qui résonneront avec ces conflits et besoins et qui pourront l’amener à remettre en cause sa vision du monde et à affronter ses peurs. En effet, dans certaines situations, il est impossible de savoir comment réagira son personnage avant d’être dans la scène. Mais certaines choses peuvent être déterminées en avance par la logique. Par exemple dans le cas de notre personnage battu dans sa jeunesse, on peut se demander:

  • Quel type de situation est susceptible de faire ressortir ses souvenirs d’enfant battu?
  • Quel choix cornélien le forcera à dépasser sa certitude que le plus court chemin est la violence et que celle ci est justifiée?
  • Quel événement lui prouvera qu’il y a des personnes qui pourront le protéger et qu’on n’est pas toujours seul à panser ses plaies?

C’est là que se trouve la trame qui n’enfermera pas votre personnage mais qui le forcera à se dévoiler.

3. Classez ensuite ces épreuves, ces climax, par ordre croissant d’émotions et de transformation. Ce sera votre plan. Et ce sera un plan ouvert. Les situations sont décidées à l’avance, mais le choix reste ouvert, les barreaux sont tombés.

On entre ici dans une façon totalement différente de concevoir une intrigue où ce qui compte, ce n’est pas le «résultat» (réaction du héros) mais le «détonateur».

OpenClipart-Vectors

A mort les prisons! Pas de plans et sa déclinaison le plan «en live»

Stephen King qui est l’ennemi juré des plans pense que si l’écrivain connait la fin de son histoire, alors il sera incapable de surprendre le lecteur. Lui, se contente de connaître son univers et ses personnages puis de se mettre en transe. Et là, il laisse la magie opérer. Il appelle cela «déterrer le fossile». Cette méthode ne m’a pas encore réussie appliquée dans toute sa rigueur. Mais peut-être que c’est la seule qui conviendra à certains d’entre vous!

Faire un plan «en live»

Si cependant, vous avez peur de vous lancer en total freestyle, vous pouvez vous ménager des gardes fous:

1. Faites une fiche par personnage, même des personnages secondaires, il faut se méfier des outsiders et des figurants…

2. Dans votre fiche personnage, rajouter une sous partie: «impact du personnage sur l’intrigue». Ici, à chaud, vous vous demanderez quel est le rôle de ce personnage dans l’histoire (traître, acolyte, antagoniste). Ce qu’il veut et ce qu’il est prêt à faire pour l’obtenir. De quelle façon il va changer, «son épiphanie», sa transformation, sa révélation. Ce sont des moments très importants pour les personnages principaux mais n’oubliez pas que du point de vue de votre méchant ou même de la concierge, ils sont les héros de leur propre histoire. Certains n’évolueront pas, mais rares sont les personnages qui n’ont aucun but et qui agissent juste parce que M. le narrateur en a besoin pour son scénar. Ce sera peut-être difficile d’accorder les violons de toutes ces volontés, dans ce cas, demandez vous en amont si vous ne pouvez pas fusionner certains personnages qui ont des rôles similaires.

3. Vous pouvez aussi revoir votre plan à chaque chapitre et recadrer les ambitions de vos personnages. Faites le point avec eux sur ce qu’ils veulent et ce qui les empêche de l’obtenir. Ont-il progressé? Que sont-ils près à faire pour avancer. Notamment, une amie écrivaine: Kohana Kimura utilise une autre technique de «plan en live». Vous pourrez en savoir plus sur son blog 😉

4. En phase de relecture, il vous faudra surement vous demander si vous ne pouvez pas fusionner certains événements qui se ressemblent. En effet, sans plan, il existe toujours le risque de tourner en rond. Mais si votre héros sait ce qu’il veut plus fort que tous les autres, il devrait filer droit et se sortir de bien des situations tout seul, faites lui confiance!

Note: le jardinier architecte

Une dernière réflexion à propos des plans: George RR Martin pense que nous sommes tour à tour jardinier ou architecte. Le jardinier ne planifie pas. Il laisse pousser les réactions de ses personnages. L’architecte planifie tout. Je pense que dans Games of Thrones, une Cersei en rage qui pactise avec le grand moineau pour faire enfermer sa rivale est née de la plume d’un jardinier. Mais Hodor? Franchement? Ça c’est pas seulement un travail d’architecte, c’est digne du génie qui a créé les pyramides… Alors, ne cherchez pas à coller à une méthode, laissez toujours votre plume tester des techniques différentes et évoluer en fonction de son envie du moment et des besoins de l’histoire.

À vos plumes!

un stylo plume sur une feuille couverte d'écriture
422737 / Pixabay

A chaque écrivain ses gimmicks, à chaque histoire ses besoins. Testez, testez chacune d’elle! Un exercice qui vous semblera très laborieux mais qui sera très formateur consiste à:

  1. Prendre un thème unique, des personnages différents mais avec le même but dans le même univers
  2. Écrire une courte nouvelle, voire une scène, pour chacun en utilisant les différentes structures de plan.

Vous pourrez sûrement identifier les forces et faiblesses de chacune de ces méthodes dans votre cas. N’oubliez pas que Michel Ange et Raphaël, comme tous les peintres, ont couverts des carnets de croquis avant de peindre les plafonds des églises et des palais de Rome… Tout ce que l’on écrit n’a pas vocation à être un chef d’œuvre…

Et n’hésitez pas à me contacter dans la rubrique «Services et R&D» si vous voulez des conseils plus personnalisés ou que je traite une question précise dans ces articles!

A bientôt! et bonne chance à vous dans vos projets. ^-^