Vous avez créé un héros, bon ou mauvais, ange ou salaud? Vous avez veillé à appliquer toutes les astuces pour rendre un personnage attachant? Mais pourtant, vous avez l’impression qu’il manque quelque chose… Eh bien oui, il manque quelque chose. C’est bien beau de donner un intérieur tout mœlleux à un soufflé et de le laisser voir à travers la croûte, il faut encore qu’il ait du goût. Et la saveur du soufflé au fromage vient d’où alors? Du fromage!
^-^
OK, on arrête la métaphore. La vraie saveur vient de ce qui plaît au cerveau de votre lecteur. Et ce qui lui plaît, c’est ce dont il a besoin. Cela passe par l’introduction d’un nouveau personnage: “V”. Vous allez voir, il est plutôt cool…
Cet article est la suite et la conclusion d’un débat d’écriture avec Brice Massé, mon copain scénariste, les deux premiers articles sont ici:
- Comment rendre un personnage attachant? La méthode du soufflé au fromage 1/3
- Comment rendre un salaud attachant? La méthode du soufflé au fromage 2/3
Le Principe Alchimique pour rendre un personnage attachant du fond du cerveau

Alors, où est la saveur ultime d’une histoire? Ce truc dont le cerveau dépend viscéralement:
C’est la peur d’être exclu.
Lisa Cron dans Story Genius analyse les histoires d’un point de vue quasi neuronal. Vous ne le savez peut-être pas mais être exclu du groupe, il y a à peine 10000 ans, c’était la mort assurée. Donc, notre cerveau primitif veut coûte que coûte s’intégrer et pour cela, il a besoin de comprendre les gens, et de savoir comment se sortir de situations sociales inextricables. Et là où il peut apprendre, c’est dans les histoires, ce simulateur de la vie sociale. En répondant au besoin du lecteur d’en savoir plus sur le social à travers votre héros, on attaque directement cette partie du cerveau lié à la survie. Voilà pourquoi, ultimement, un lecteur accroche à une histoire et ce qui permet de rendre un personnage attachant: on fait appel au pouvoir de “V”. Alias, le cerveau reptilien du lecteur.

Ça marche aussi avec le sang et le sexe, mais c’est moins classe.
La Recette Alchimique pour rendre un personnage attachant

En pratique, quand votre lecteur commence le livre et qu’il est confronté à votre héros pour la première fois, il se transforme en un point d’interrogation géant:
- Que veut ce héros? Et de quoi a-t-il besoin au fond de lui?
- Quel est son handicap social pour obtenir ce qu’il désire? Ou: En quoi se trompe-t-il dans sa vision du monde?
- Quel conflit cela génère-t-il en lui?
- Comment va-t-il surmonter ce conflit pour obtenir ce qu’il veut / ce dont il a besoin? Bref, comment va-t-il progresser pour survivre dans la jungle sociale?
Vous avez compris? OK, en piste Simone!
Ingrédient 8: Montrer ses rêves pour que le lecteur s’identifie au héros et pour qu’il agisse
Ingrédient 9 : Le besoin inconscient ou cette erreur dans sa vision du monde
Par opposition au besoin conscient (le but), ce qui est encore plus puissant c’est le besoin inconscient. C’est souvent à cause de ce besoin inconscient que le héros fera des erreurs. Parce qu’il n’a pas compris ce dont il a véritablement besoin, mais nous, lecteurs, on finit par comprendre (et ça nous plaît, car ça touche à ce problème d’exclusion sociale et à V). L’histoire, cette fée malicieuse et un peu sadique, lui fera comprendre son erreur. C’est la théorie de Christopher Vogler: «Les histoires exaucent les vœux du héros». Mais parfois d’une façon tordue (en lui envoyant des épreuves dans la face).

Lisa Cron a une théorie légèrement différente: elle pense que le héros commet une erreur dans sa façon de voir le monde. Cette erreur de vision du monde remonte bien souvent à l’enfance. C’est cette mauvaise conception du monde qui l’empêche d’obtenir ce dont il a si cruellement besoin pour être heureux. Car au final, un personnage ne cherche que ça, même le pire des psychopathes (merci ma cousine philosophe qui m’a expliqué ça, toute petite, en me disant que Hitler ne cherchait que le bonheur ^-^).
En quoi est-ce une astuce? Le lecteur habitué des histoires identifiera très vite le manque, le défaut, l’«erreur» dans la vision du monde de votre héros. Inconsciemment, il attendra de l’histoire qu’elle soigne le héros et lui fasse comprendre de ce dont il a vraiment besoin. et comme il attend, il continue de lire. C’est cela accrocher un lecteur.
Ingrédient 10: Le conflit intérieur
Ingrédient ultime pour rendre un personnage attachant: La progression du héros
La mise en musique de la boîte à outil
Tout est affaire de timing
L’idée est de laisser apparaître le cœur appétissant à travers les failles de la croûte: dans le comportement du personnage, dans des petites répliques, dans des souvenirs… MAIS PAS TOUT EN MEME TEMPS ET PAS LITTÉRALEMENT!
Sinon ça va donner: «Je m’appelle Choupette, j’ai 16 ans, je rêve d’être actrice de film porno parce que mon père ne faisait pas assez attention à moi mais en vrai, j’ai juste besoin de trouver le grand amour… Et puis, j’adore les chats! Car ils me rappellent mon psychopathe de papa!»
Bien sûr, à part sur Wattpad, on évite cette entrée en matière. On va essayer de distiller les éléments clefs de l’essence du personnage à travers ce qu’il veut bien montrer au monde. On va écarter les failles de sa carapace pour laisser apercevoir qui il est vraiment. On ne peut pas tout dévoiler dès le début, car le lecteur a besoin de points d’interrogation pour rester accrocher dans l’histoire. Vous comprenez enfin pourquoi je parle de cœur fondant sous la croûte? ^-^
Si possible, on va essayer de placer un de ces points avant ou juste après que le personnage fasse plein de trucs dégueulasses si c’est son style. Trouver le juste équilibre entre question et révélation, élément non sympathique et sympathique est complexe. Le mieux est de faire tester le premier chapitre et de voir si il fonctionne. Puis de le réécrire. Puis de recommencer. Un premier chapitre, cela se soigne.
Fiche personnage, backstory et cohérence
Bon, vous l’aurez compris, au delà de toutes ces astuces, ce qui compte c’est de créer une véritable personne, en partant du plus profond de son cœur et de son passé. C’est cela qui permet de rendre un personnage – au choix: profond, en 3D, complexe, humain, cohérent… Bref, de rendre un personnage attachant. Puis, il s’agira de le faire agir, choisir et progresser. C’est cela qui enchaînera le lecteur à votre histoire. Car c’est ce qu’on est câblé pour reconnaître et savourer. Notre cerveau a autant besoin d’histoires pour grandir qu’il a besoin de sucre pour fonctionner.
Donc si vous voulez creuser la fiche personnage, cela se passe ici:
Dévoiler la pépite de votre personnage: utilisez un détecteur de métaux!
À vos plumes

L’exercice n’en sera pas un. Arrivé à la fin de cet article, vous devez vous dire: «mais alors, les deux précédents articles, c’est que des conneries?». Un peu. Mais pas tant que ça car 1. ils aident vraiment à rendre un personnage attachant. Et 2. ils cadrent avec la théorie de V. Vous savez, V, ce cerveau reptilien qui a peur de l’exclusion du groupe et qui est câblé pour reconnaître des enseignements sur la vie dans les histoires. Bref, l’exercice sera de parcourir ces lovely items et de trouver pourquoi ils fonctionnent 😉 Ils sont ici:
- Comment rendre un personnage attachant? La méthode du soufflé au fromage 1/3
- Comment rendre un salaud attachant? La méthode du soufflé au fromage 2/3
Bien sûr toute c’est théories n’engagent que moi, donnez votre point de vue en commentaire!
Voilà pour le cycle sur: «comment rendre un personnage attachant». Merci à Brice Massé pour cet échange! Si vous voulez découvrir son univers, c’est ici:
https://massee-brice.jimdo.com/travaux-personnels
En attendant la suite, écrivez-moi ici si vous voulez des conseils plus personnalisés ou que je traite une question précise dans un article. Et pour en savoir plus sur la plume et le retravail d’une histoire, n’hésitez pas à télécharger mon livre: «Comment polir son roman pour en faire un diamant».
Bonne chance à vous dans vos projets! ^-^
V, le retour ! ^^
J’ai bien aimé ta série d’articles sur le sujet ; comme d’habitude, l’analyse que tu en fais est très intéressante.
Je suis assez d’accord pour penser que le plus grand ennemi d’un individu est lui-même et qu’il est toujours bon de le ressentir dans un récit. Les seuls conflits externes ne suffisent pas à mon sens à accrocher totalement le lecteur.
Et je suis encore plus en accord avec le fait de doser les informations et de distiller les éléments de conflit tout au long de l’histoire. De nombreux bêta-lecteurs, sur les plateformes et forums dédiés à l’écriture notamment, insistent sur le manque d’informations dès les premières pages (particulièrement sur le physique, curieusement). Mais quel intérêt, comme tu dis, de tout caser dans la première ligne ? parfois, j’ai l’impression que sur les sites dédiés à l’écriture, les lecteurs(qui sont souvent auteurs) sont moins patients et plus critiques qu’avec un livre à la main.
Je te souhaite de bonnes fêtes de fin d’année. 😀
merci!! bonnes fêtes à toi aussi!
c’est une bonne question que tu soulèves là! qui fait le meilleur bêta lecteur? un serial lecteur ou un auteur?
le problème des auteurs est que souvent, ils pensent plus qu’ils ne ressentent. Je suis par exemple un horrible bêta lecteur. Je suis du genre à chercher le détail, à tenter de raccrocher à des structures narratives. Un peu ça va, mais il ne faut pas que ça. Je pense qu’avoir des lecteurs qui apprécient le genre et qui seront plus dans le ressenti, c’est important!
Bref, trouver sa dreamteam, ça fait 50% du succès d’un auteur.
Donc bonne chance à toi!!