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Création d’univers, ce qui compte vraiment et qu’on oublie toujours

Bonjour amiEs écrivainEs!

Aujourd’hui, j’aimerais partager avec vous une technique qui permet de créer un univers rapidement tout en n’oubliant pas le plus important: ce qui fait le cœur de l’histoire. C’est un protocole qui va « de la science à l’humain». Parce que les gadgets c’est bien mais… dans la vie comme dans les histoires, cela ne fait pas tout 😉

gogo gadget

Le problème:

Vous devez déjà l’avoir ressenti si vous écrivez dans les genres de l’imaginaire? C’est parfois au chapitre 25 qu’on comprend que décidément, non! La magie aquatique de Dana ne peut pas permettre de faire revivre les morts… Oups! Que devient Agam le rouge qui est revenu trois fois du paradis des nains? ^-^ Et si vous écrivez dans d’autres genres moins débridés, vous avez sans doute été confronté au même problème de cohérence. Une romance historique, par exemple, nous confronte à un système politique et une manière de penser souvent aux antipodes du nôtre. Et si vous débutez dans l’écriture, vous ne savez peut-être tout bonnement pas par quoi commencer! 😉 Normal! Il m’a fallu 10 ans pour me créer une méthode qui fonctionne vite et bien. Je pense surtout à cette novella écrite pour l’appel à texte «Screampunk» de Lune Écarlate qui a été retenue alors que je ne connaissais rien au steampunk. Recherche sur l’ère victorienne et création d’une science parallèle en 1 semaine top chrono! 😉 Rien de sorcier quand on prend les chose dans l’ordre! D’où ce protocole quasi «scientiste» mais aussi orienté personnage que je vous propose.

Le principe:

Écrire une histoire, c’est aussi créer un monde, avec ses lois physiques et sociales, ses problèmes et ses opportunités. D’où l’importance de faire un travail minutieux en amont. Malgré mon passif scientifique et en théorie organisé (pardon? orga…quoi?), j’ai eu pendant longtemps la fâcheuse manie de commencer mes romans par le premier chapitre au lieu de commencer au moment du big bang primordial. Résultat, mon univers finissait par s’écrouler sous le poids de ses contradictions. Mais j’ai surtout compris qu’un monde aussi parfait soit-il n’aura pas d’intérêt s’il est peuplé de feuilles emportées par le vent. Car les personnages et surtout le héros sont l’ancre qui nous maintient dans cet autre monde. D’où le protocole «science to human» que je vous propose. Voici les grades questions que nous allons nous poser:

  1. Un super gadget, oui et alors? Le vrai début de toute création d’univers: le thème
  2. Les règles de base mais encore? Les étapes de création d’un univers et ses conséquences sur l’humain
  3. Pourquoi 99% des histoires de SF me gonflent? Retour sur le point le plus important dans une histoire:  les personnages

Un super gadget, oui et alors?

Comme l’exprime si bien la revue Solaris dans un article devenu une référence sur la toile:

«Vous savez quoi? Votre idée géniale, je la connais déjà.»

Cela signifie que la SF mais aussi la fantasy ou même le steampunk est un genre exploité depuis des dizaines d’années alors que la physique et, pire même, la base mythologique de l’humanité n’évoluent pas très vite… Donc si vous voulez que votre histoire se démarque, ce n’est pas le choix de tel ou tel paradoxe spatio temporel qui la sortira du lot, même s’il est important de pousser le brainstorming et les recherches le plus loin possible pour innover. Ce qui compte c’est ce qui se passe dans ce monde étrange qui nous permet de réfléchir à une grande question existentielle. Mais vous savez quoi? Ce n’est même pas vraiment la question «l’amour est-il plus fort que la mort?» ou «Jusqu’où va la loyauté?» etc. qui est primordiale. C’est la manière dont vous donnerez vie au thème. Quel héros l’incarnera le mieux? Quel conflit intérieur devra-t-il surmonter pour résoudre le problème causé par l’intrigue et qui illustre le thème? Je ne m’éterniserai pas là dessus dans cet article mais je voulais juste faire une petite mise en garde pour la suite:

Le détail scientifique ou magique que vous choisirez ne doit pas l’être par hasard ou parce qu’il vous branche, il doit l’être car il est le plus à même de créer des situations qui pousseront votre héros à prendre des décisions et à changer. Ou vice versa, si le héros vient après, choisissez-le pour que son évolution ait un sens dans ce thème.  

Les règles de base

Ceci étant dit, passons au cœur du sujet: créer un univers en SF et en Fantasy consiste d’abord à le créer vraiment. Rigolez pas, j’ai mis du temps à le comprendre. Si vous vous lancez dans la rédaction alors que vous n’avez pas mis à plat TOUTES les règles qui régentent votre histoire vous risquez de multiplier par 10 votre temps de réécriture, voir de fucker votre histoire… Car ça se trouve, cette incohérence scientifique minime au chapitre 2 aura des conséquences dantesque au chapitre 24 et la corriger remettra deux ans de travail en cause et votre muse s’y opposera formellement… Les histoires comme la météo sont régies par l’effet papillon, cher a la théorie du chaos. Donc, autant être sûr de son coup avant de se lancer. Et comme je vous le disais plus haut, mettre au clair les lois scientifiques/magique n’est qu’un aspect du problème, il est important de penser aux conséquences sociales et humaines de ces lois. C’est pourquoi je vous conseille de tout noter, de tout organiser de manière maniaque avec des titres, des sous-titres et des puces à gogo en réfléchissant notamment aux:

  • Règles politiques (Forces en présences/interdits et permissions…)
  • Organisation sociale (répartition urbaine/ préjugés/ possibilités d’évolutions…)
  • Architecture et arts (types de bâtiments/ arts à la mode…)
  • Technologies (avancées et retards/ possibilités de la médecine/ degré de répartition des avancés dans le peuple…)
  • ……
  • Lois qui régissent la physique

Et en commençant par ce dernier point s’il vous plaît! Car une société shamanique à la lisière du grand néant n’aura pas la même façon de se débarrasser des criminels qu’une société futuriste ayant atteint l’immortalité grâce à la transplantation de cerveau. Qu’il soit magique, féérique ou à des années lumière d’ici, tout monde est régi par des lois immuables. A part ceux de Boris Vian. Et encore, ses mondes doivent avoir une logique qui nous échappe, peut-être que sous LSD… Bref! Donc pour tout monde, autant se poser des questions qui partent du postulat de départ et qui aboutissent à l’humain:

  1. Quel est la différence fondamentale avec notre monde? Le grand postulat que le lecteur devra accepter pour argent comptant? (ex. «la magie existe» ou «Einstein avait raison, la quantique a tout faux»…)
  2. Faites des recherches sur votre idée de départ. Sur la magie des pierres versus les plantes, sur la relativité… Laissez Google vous porter!
  3. Une fois gorgé d’idées en vrac, détaillez ce postulat à votre façon, en mêlant plusieurs théories, en poussant mémé dans les orties. Grosso modo, on est dans le brainstorming, vous pouvez y aller en écriture automatique là, jetez toutes les idées qui vous viennent!
  4. Alors? En quoi les règles de votre monde diffèrent-elles du nôtre?
  5. Les édicter sous forme de lois immuables qui découlent du postulat de départ.

Puis, pour chacune de ces lois se poser les questions narratives, celles qui vous aideront à décider des obstacles et des choix cornéliens à jeter à la tête de votre héros ou qui lui permettront de se sauver d’une situation en apparence désespérée:

  • Qu’implique cette loi sur la vie quotidienne?
  • A-elle engendré une évolution technologique? (possibilité nouvelle, médecine, transport…)
  • Une évolution sociale? (tabou, mise en garde)
  • Comment et pourquoi peut-elle être transgressée?

Voilà! Vous pouvez revenir aux premières questions sur la technologie et la politique! Il ne s’agit pas d’avoir un master d’histoire ou un master de physique théorique pour être crédible, il faut juste créer une logique intrinsèque à votre monde, pesez ses conséquences sur l’homme puis à respecter le tout.

Aparté sur la difficulté de trouver l’information:

Créer un univers se fait à partir du réel. Dans certains univers, l’information est très dure à trouver. Le seul moyen, c’est d’affiner encore et encore les recherches avec des mots clefs de plus en plus précis et savant, si possible en anglais. Le but est d’aller chercher de plus en plus loin jusqu’à arriver dans les livres académiques. Et là : Google Books est votre ami. Il ne faut pas hésité à aller piocher dans les vieux ouvrages desquels on ne peut pas faire de copiés collés. Tant pis, on recopie! A ce stade, l’information est si dure à trouver qu’il faut tout rapatrier dans un seul fichier.

Gardez les liens au cas où, mais je ne vous conseille pas trop de tabler sur le fait que vous approfondirez un point plus tard. Perso, en plein process d’écriture, quasi en transe, je n’ai pas envie de tout stopper pour retourner éplucher un horrible bouquin mal scanné par Google. Donc je recopie tout, je fait des bullets points, je copie colle des images, les images sont terriblement importantes. Vous n’aurez plus qu’à décrire!

Puis ordonnez le tout avec des titres et des sous titres facilement accessible depuis la fenêtre navigation de Word. Bon d’accord, c’est old school et nombre d’entre vous diront : « Hé Ho ! Y’a Scrivener ». OK, je testerais un jour mais qu’importe le flacon pourvu que l’info soit directement accessible au moment où on en a besoin!

Pourquoi 99% des histoires de SF me gonflent?

Avant d’aborder la dernière étape du protocole, sachez que je suis très dure avec la SF. Pas parce que je suis scientifique de formation et que j’attends une physique sans faille, non, non! Mais déjà, car j’en lis depuis mes 8 ans et j’ai parfois l’impression d’un rabâchage qui nous prend pour des amnésiques. Ensuite, car je me nourris aussi de l’imaginaire japonais qui a parfois 10 ans d’avance sur Hollywood. Mais surtout car je suis une lectrice à la fois empathique, philosophe et cerveau gauche orientée. Je m’explique. Lectrice empathique signifie qu’en lecture ou au cinéma, je ne suis pas là pour voir des effets spéciaux rondement menés, je veux une histoire qui fera naître des émotions dans mon petit cœur. Philosophe signifie que si une histoire n’a pas un fil rouge sous-jacent qui m’apprend un truc sur la vie, j’ai l’impression d’avoir perdu mon temps. Cerveau gauche orientée signifie juste que j’ai la critique facile et une fois le démon de la critique enclenché, plus rien ne pourra l’arrêter… (résultat, j’ai plus d’amis pour aller au ciné 🙁

Mais guess what? On est tous un peu comme cela. Je ne m’éterniserai pas sur la question mais éteindre l’esprit logique d’un lecteur, l’immerger dans un univers, le transposer dans un corps qui n’est pas le sien, c’est un monumental défi. Et la première pierre a apporter à l’édifice n’est pas l’idée géniale ou un super gadget technologique de la mort qui tue, c’est les personnages et plus particulièrement le héros. C’est pourquoi je reviens sur ma première mise en garde: votre univers n’a d’intérêt que si il sert le thème! Et le thème c’est notre fil rouge, cette grande leçon de vie que l’être humain ne peut trouver que dans une histoire. Le thème est une question incarnée dans un personnage. Servir le thème sous-entend donc créer des situations qui forceront le héros à faire des choix difficiles, à changer sa vision du monde pour surmonter les difficultés… En un mot comme en cent: à apprendre sa leçon de vie. Tout cela se passe à un niveau inconscient, invisible pour les yeux mais c’est plus important que caser la belle bataille spatiale inter-trousnoirs, plus important que cette magnifique image du fils qui a voyagé dans le passé et qui tient la main de sa mère mourante pendant que lui même disparait. A part, bien sûr, si cette mort lui permet de comprendre découvrir qu’en fait sa mère, elle l’aimait vraiment mais que…

Bref, dans 99% des récits de SF que je croise, j’ai la sensation que 99% des événements de l’histoire sont des non-événements, des jolies scènes qui n’ont aucun intérêt pour le héros et par conséquent, pour moi. C’est pourquoi je suis si human orientée dans cette méthode que je vous propose.

Voilà! Ceci étant dit, je vous invite aussi à tester ce protocole sur votre prochaine nouvelle ou sur ce premier article:   «Créer un univers de SF: les voyages dans le temps et les boucles spatio-temporelles». Mais après, chacun ses méthodes et ses convictions. Alors je vous invite aussi à vous emparer de celle-là, à la tordre, à l’enrichir ou à l’épurer pour créer la votre. Juste… Agissez! Car «lire un conseil, c’est bien l’appliquer c’est mieux!» «La distance entre l’ignorance et la connaissance n’est rien comparée au gouffre entre la connaissance et la l’action». J’en ai pleins des comme ça, ne m’obligez pas à toutes les dégainer! 😉

Allez, et juste pour rigoler un peu et susciter le débat, je vous renvoie vers un vieil article que j’ai écrit sur mon blog auteur, un matin où j’étais en colère: Interstellar versus Gravity

Bonne chance à vous pour vos projets! ^-^

  • Coucou Ghaan,
    Je partage absolument ton avis, notamment pour ce qui est du fil rouge à suivre et de la romance qui doit toucher le cœur du lecteur. J’y suis moi-même sensible et je n’ai donc pas hésité à l’insérer dans mes romans.
    J’aime également tes maximes et notamment celle-ci : La distance entre l’ignorance et la connaissance n’est rien comparée au gouffre entre la connaissance et la l’action. Quelle belle vérité.
    Merci pour ces échanges !
    Au plaisir,
    Annette